Chemins de fer quelle voie ont choisie nos voisins ?
Philippe Martinez, leader de la CGT, a annoncé, vendredi, une « manifestation nationale » des cheminots le 22 mars, pour défendre notamment leur « statut », remis en cause par le rapport Spinetta. À l’heure où s’annonce une grande réforme du rail en France, tour d’horizon sur la politique ferroviaire de nos voisins européens.
1. Privatisation au Royaume-Uni. Une vingtaine de sociétés privées exploitent les chemins de fer, privatisés depuis 1994 à l’initiative des conservateurs. La maintenance du réseau est gérée par Network Rail, société privée mais dont l’État est actionnaire. Selon une étude citée par le Financial Times fin janvier, les prix des billets ont bondi de 25 % (hors inflation) depuis 1995 et sont en moyenne 30 % supérieurs à ceux en France. Cette privatisation fait souvent figure de repoussoir à l’échelle européenne, et suscite de vives polémiques à chaque accident mortel, tel celui de Hatfield, près de Londres, en octobre 2000 (quatre morts). Côté infrastructures, le pays est très en retard sur les lignes à grande vitesse : il n’a pour l’instant que le tronçon emprunté par Eurostar entre Londres et le tunnel sous la Manche. 2. Concurrence en Italie. L’Italie a été le premier pays européen, et le seul à ce jour, à ouvrir le réseau ferroviaire à grande vitesse à la concurrence avec l’entrée de NTV-Italo en 2012. Cela a fait beaucoup baisser le prix des billets : de 40 % environ entre 2011 à 2017, selon Tra Consulting. La grande vitesse représente un quart du trafic ferroviaire en Italie. La compagnie nationale est Trenitalia, appartenant au groupe FS (Ferrovie dello Stato, société anonyme dont le capital est détenu en totalité par l’État). FS se porte bien : il a enregistré un bénéfice net record de 772 millions d’euros en 2016, en hausse de 66 %. Dans son nouveau plan stratégique, le groupe public prévoit 94 milliards d’investissement sur dix ans, dont 73 milliards sur les infrastructures. Il compte actuellement 71.581 employés. 3. Système « intégré » en Allemagne.
L’opérateur historique est Deutsche Bahn, société anonyme de droit privé entièrement détenue par l’État fédéral. L’Allemagne a choisi une solution dite « intégrée » : Deutsche Bahn transporte des marchandises et des passagers, mais se charge aussi du réseau ferroviaire. Le marché du chemin de fer est ouvert à la concurrence privée et la loi a transféré aux États régionaux la compétence pour les transports régionaux et urbains. Deutsche Bahn est régulièrement critiqué pour les retards fréquents et la vétusté des infrastructures.La compagnie emploie près de 320.000 personnes dans le monde, dont 196.000 en Allemagne. 12 % sont des fonctionnaires payés sur le budget de l’État fédéral. La compagnie a annoncé, cette semaine, qu’elle investira en 2018 quelque 9,3 milliards d’euros dans ses infrastructures ferroviaires, un effort record qui sera en grande partie supporté par l’État. 4. Tout pour la grande vitesse en Espagne. L’opérateur principal est la compagnie publique Renfe, mais il existe des déclinaisons régionales en Catalogne, au Pays Basque et à Valence. La libéralisation, qui ne concerne jusqu’ici que le transport de marchandises, ne fonctionne pas sans accrocs. En mai 2017, Renfe a par exemple été sanctionnée avec le groupe Deutshe Bahn pour avoir entravé la concurrence. Les salariés des chemins de fer en Espagne sont des fonctionnaires, dont le régime social est, en certains points, assez similaire à celui des cheminots français. L’Espagne a fait le choix de la grande vitesse. Elle dispose aujourd’hui de 3.240 kilomètres de voies permettant de circuler à plus de 200 km/heure, contre 476 kilomètres en 1992, un développement qui a englouti 51,7 milliards d’euros. Cette politique fait l’objet de critiques récurrentes, en particulier sur le sort du réseau secondaire, notamment de la part des Catalans.
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