Moderniser le rail indien

C’est une vieille dame de 167 ans, connue de tous les habitants en Inde. Elle, c’est l’Indian Railways et son immensité, soit 13 000 lignes de chemin de fer publics dans un pays grand comme sept fois la France. Mais voilà, trop vieille, trop dangereuse, il était grand temps de moderniser le rail indien. C’est ce qu’a décidé le gouvernement indien en la cédant au secteur privé. Un choix déjà contesté qui se déroulera par étapes.

« Vous verrez, sur les nouvelles lignes avec les trains modernisés, passagers et marchandises de fret voyageront plus vite sur des trajets plus sûrs et à arrivant à l’heure ! »

Voilà quelles sont, dans les grandes lignes, les promesses entendues à la conférence de presse du nouveau ministre indien des Transports. 

Inde, 60 000 km de voie ferrées

Nouveau ministre parce que l’ancien, jugé trop lent à débuter cette toute première concession au secteur privé, a été prié de s’en aller. Mais avec le lancement officiel de ces premières concessions ferrées (151 lignes) au secteur privé, le gouvernement du Premier ministre Narendra Modi ne capitulerait-il pas devant la tâche ?  

Amélioration des transports publics et courage politique

CQFD : Ce Qu’il Fallait Démontrer ! A en croire l’expression de Jean-Joseph Boileau, expert de l’Inde à l’Institut des Relations Internationales et Stratégiques à Paris. 

« Oui, je suis vraiment très réticent face à ces concessions du transport ferroviaire de l’Indian Raiways. En libéralisant le marché, explique t-il, avec cette concession de Indian Railways, le Premier ministre renonce à investir par peur des dépenses. Nous sommes devant un geste politique. Le Premier ministre Modi veut redorer son image auprès de ses amis, les grands patrons. Que va t’-il se passer ? Ce sont les barons des conglomérats indiens qui vont gagner les marchés. Or, leur bilan n’est pas brillant ! Je l’ai vu notamment dans le secteur des centrales à charbon ; la plupart ont fermé aujourd’hui c’est un échec. Toutes les études économiques ont montré que maintenir des transports publics est efficace. Là, la démarche va morceler le marché et ça ne fera pas baisser les prix des billets pour les passagers indiens. »    

Le bon choix au bon moment 

« Je suis habitué des trains indiens, nous explique Laurent Goulvestre, conseiller sur les marchés internationaux. Le pays est gigantesque -ne pas oublier qu’il fait 7 fois la France-, son réseau ferroviaire est gigantesque. L’Indian Railways est le premier employeur du pays avec 1,3 millions de travailleurs, pour 23 millions de passagers chaque jour ! Il faut moderniser ces lignes. Et je pense que le Premier ministre Modi, avec ce choix, a opté pour le seul moyen d’éviter les lenteurs des lourdeurs administratives publiques de la démocratie indienne. » 

Cette libéralisation du rail s’inscrit dans un programme plus vaste de concession des transports nationaux. Air India, la compagnie nationale tout juste cédée à l’industriel géant indien Tata. 

Air India dans les mains du géant industiel Tata

Alors bon ou mauvais choix ? Selon Gilles Boquérat spécialiste de l’Inde à la Fondation pour la Recherche Stratégique, « cette concession est aussi une façon de concurrencer les transports entre eux ! Les trains en Inde sont lents. Il y a 13 000 trains chaque jour et le plus rapide entre Delhi et Accra ne dépasse pas 110 km/h. La demande de la classe moyenne et plus riche est importante. De ce fait, le marché du train est concurrencé par celui de l’aviation et du secteur routier. Pour l’avion, en 2020, Air India fortement endettée n’était plus solvable, sa concurrente privée Indigo occupe près de 50% du marché aérien indien. »  

Douze premières lignes seront modernisées d’ici fin 2023. Pour le reste des 139 autres, il faudra attendre 2027.

Source : https://www.rfi.fr/fr/podcasts/chronique-transports/20211030-transports-moderniser-le-rail-indien

Auteur(e) : Marina Mielczarek

Développement ferroviaire