En Suisse, des pilotes d’avion bientôt aux commandes… de trains
En Suisse, des pilotes de ligne cloués au sol – en raison de la crise du Covid-19 – vont bientôt prendre les commandes de trains. Des navigants techniques de la compagnie nationale Swiss (groupe Lufthansa) et de la filiale charter Edelweiss étudient la possibilité de piloter les locomotives des sociétés de chemins de fer en mal de conducteurs. C’est justement le cas des Chemins de fer fédéraux suisses (CFF) et des Chemins de fer rhétiques (RhB) qui laissent des trains au dépôt faute de personnel. Chaque jour, pour le trafic voyageurs et celui de marchandises, il manque une trentaine de conducteurs. Une fois la formation de 14 à 16 mois achevée, la rétribution mensuelle d’un conducteur se monte à environ 6 000 francs suisses (5 550 euros), frais forfaitaires compris. Les entreprises aéronautiques et ferroviaires concernées ont entamé des discussions.
Situation étonnante, le syndicat suisse des pilotes Aeropers (1 300 membres), l’équivalent du SNPL français, encourage cette reconversion. Roman Kälin, porte-parole d’Aeropers, admet que cela peut surprendre. « Mais de nombreux éléments sont très semblables comme la fascination pour la technique, le transport de personnes et de marchandises d’un point A à un point B, la sécurité ou le sens des responsabilités. À nos yeux, c’est une situation gagnant-gagnant. Nous demandons à nos employeurs de sortir des sentiers battus », explique-t-il au quotidien suisse Le Nouvelliste.
Cette bonne pratique est-elle transposable en France ? Ce n’est pas d’actualité, nous assure-t-on à Air France où une telle proposition ne soulèverait pas l’enthousiasme des organisations professionnelles, même au moment où un accord prévoit 403 départs volontaires sur un total de 4 217 pilotes. Air France ne donnera pas suite au processus de recrutement de Cadets en 2020, une des filières de recrutement de pilotes. Les candidatures externes sont, elles aussi, suspendues.
Six mois à un an de formation pour un conducteur de train
Côté SNCF, on confirme qu’il n’y a pas de projet de passerelle avec le transport aérien. L’entreprise ferroviaire précise qu’elle recherche non seulement des conducteurs (300 postes à pourvoir en 2020 en Île-de-France), mais aussi des aiguilleurs et du personnel de maintenance. Keolis, la filiale de la SNCF, a besoin, elle, de conducteurs de tram.
Si un pilote souhaitait devenir conducteur de train, il lui faudrait suivre une formation qui dure de six mois à un an. Compte tenu de l’habitude à suivre des procédures et de la culture de la sécurité du transport aérien, il est probable que le stage court serait suffisant. Un vol demande une stratégie de pilotage en trois dimensions alors que la conduite d’un train s’inscrit dans une seule dimension, la maîtrise des aiguillages n’étant pas assurée à bord.
Des transferts vers la défense nationale sont également possibles. L’armée de l’air et de l’espace rêve de rappeler les pilotes qu’elle a formés et qui, après quinze ans sous les drapeaux, poursuivent leurs carrières dans le civil, notamment à Air France. Les militaires doivent, en effet, faire face à l’arrivée dans les unités d’Airbus A330, des appareils qu’utilisent aussi Air France, Air Caraïbes ou Corsair.
Il y a eu des précédents de changement de mode de transport. Lors d’un des premiers chocs pétroliers, toute une promotion d’élèves-pilotes de l’École nationale de l’aviation civile (Enac) a été réorientée vers l’école des officiers de la marine marchande pour y préparer le diplôme de capitaine au long cours.
Malgré la crise actuelle, l’optimisme reste de mise à terme. Ainsi, le canadien CAE, un des grands de la formation dans le monde, évalue les besoins de l’aviation civile à 27 000 nouveaux pilotes d’ici à la fin de l’année 2021 et jusqu’à 264 000 d’ici à la fin de la décennie. Compte tenu de la durée de la formation, les jeunes qui entrent aujourd’hui en école de pilotage devraient trouver du travail à leur sortie de l’école.
Auteur : Thierry Vigoureux