La grande vitesse ferroviaire est-elle soutenable économiquement ?

Lignes moins rentables, dette qui s’aggrave, trop-plein de destinations… la grande vitesse ferroviaire française accumule les défis. Si bien que le gouvernement a annoncé une pause dans les projets. Par Michel Nakhla, Mines ParisTech

La mise en service, dimanche 02 juillet 2017, de la nouvelle ligne LGV (ligne à grande vitesse) Sud Europe Atlantique met Bordeaux à deux heures de Paris. Elle représente à la fois un succès commercial, avec plusieurs millions de voyageurs supplémentaires, et un déficit opérationnel probable de plusieurs dizaines millions d’euros pour la SNCF.

Trois jours plus tard, le ministère des Transports annonce une pause dans les futurs grands projets d’infrastructures, en précisant que le financement public ira prioritairement à l’entretien et à la modernisation du réseau existant.

Les nouvelles lignes sont-elles devenues moins rentables ? Le nombre important de dessertes devient-il contradictoire avec la notion même de grande vitesse ? Répondre à ces questions, c’est entrer dans l’univers du calcul économique appliqué aux projets d’infrastructures.

Jules Dupuit et la mesure de l’utilité des travaux publics

Jeune ingénieur, Jules Dupuit (1804-1866) est affecté en 1827 au Mans, dans la Sarthe, pour s’occuper des routes et de la navigation fluviale. Il profite de cette occasion pour réfléchir aux fondements des travaux d’utilité publique.

Ces réflexions débouchent, en 1844, sur la publication d’un mémoire fondamental : « De la mesure de l’utilité des travaux publics », qui fait de lui le précurseur de l’analyse coût-avantage. Sa théorie économique a fait avancer la réflexion sur l’utilité des travaux publics dans deux directions : la rentabilité des investissements publics et les principes de tarification.

Selon Jules Dupuit, l’État ne doit financer la construction d’une infrastructure que si le « service proposé », l’utilité publique, est supérieure à son coût. C’est donc un plaidoyer pour évaluer l’intérêt d’un investissement dans une infrastructure de transport.

Auteur prolifique, Jules Dupuit avait une vision libérale et était d’ailleurs opposé à la « police de circulation et du roulage », qui réglemente de manière autoritaire les voyages, les péages et les redevances. Il a soutenu l’idée, provocatrice à l’époque, que les faillites de certaines entreprises sont inévitables à la libéralisation du commerce et que ces faillites sont utiles puisqu’elles favorisent la mise en place d’une concurrence.

Ces propos ont alimenté des discussions riches et houleuses avec d’autres ingénieurs. Pour Armand Considère, le développement du rail doit être confié à l’État, afin d’augmenter l’utilité des lignes. Pour d’autres, comme Clément Colson, lorsque le réseau atteint sa maturité, on devrait chercher des solutions alternatives à l’État pour le financer et le gérer. Ce débat est finalement toujours très actuel.

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